Sèvres : où est passée la démocratie locale ?
- Pour Sèvres
- 4 nov.
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Dernière mise à jour : 9 nov.

Lors des élections municipales de 2020, le maire de Sèvres se présentait comme un champion de la démocratie locale, promettant de renforcer la participation citoyenne, d'écouter les Sévriens et de favoriser l’implication des habitants dans les décisions publiques. Mais, au fil du mandat, ces engagements se sont progressivement vidés de leur sens.
Pourtant, Sèvres n’a jamais manqué d’habitants engagés, d’associations dynamiques, d’initiatives locales solidaires. Cette vitalité existe bel et bien : elle ne demande qu’à être écoutée, soutenue et associée aux décisions publiques.
Une gouvernance verticale et verrouillée
Le maire sortant concentre les décisions. Les grands projets, comme la rénovation du centre-ville, en sont la parfaite illustration : des consultations organisées à grand renfort de communication, mais sans restitution, et à fortiori, sans prise en compte des contributions, sans suite concrète. L’information circule à sens unique, du haut vers le bas.
D'autres projets importants, comme le réaménagement de la Roseraie ou l’entrée de ville piétonne baptisée Promenade des Jardins, n’ont, quant à eux, donné lieu à aucune consultation. Les riverains ne sont pas non plus consultés avant les réaménagement de leur rue, les changements de voirie ou de stationnements, ...
Les conseils de quartier, censés faire remonter les besoins et avis des habitants des différents quartiers, sont réduits à la portion congrue : ni compte-rendu, ni visibilité, ni influence réelle. Quant aux “lives” du maire, ils tiennent davantage de la mise en scène que du débat et les questions auxquelles il n’a pu répondre pendant le live restent sans suivi et il est impossible de retrouver les enregistrements par la suite.
Même au sein de sa majorité, le maire partage peu le pouvoir. Les décisions sont prises unilatéralement, parfois à rebours des avis exprimés en interne. Des élus de la majorité se plaignent régulièrement de ne pas être consultés en amont de projets qui relèvent de leur délégation.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les Sévriens ne se désintéressent pas de la vie publique. Beaucoup veulent s’impliquer, proposer, comprendre. Ce qu’il leur manque, c’est un espace d’écoute réelle et de participation. Partout dans nos quartiers, des habitants se mobilisent déjà : associations, collectifs, projets solidaires. Ce potentiel citoyen est une chance, pas une menace.
Une démocratie d’apparence
En 2020, la liste du maire a obtenu 57 % des suffrages exprimés, mais avec près de 60 % d’abstention cela ne représentait que 23 % des inscrits. Un chiffre qui aurait dû l’inciter à l’humilité. Or, c’est l’inverse qui s’est produit : dès le début du mandat il a choisi de réduire l’espace d’expression des groupes d’élus minoritaires dans Le Sévrien. Aucun siège, non plus, en Conseil de territoire aux deux groupes d’opposition qui représentaient pourtant près de 40 % des voix. Interdiction également de participer aux conseils de quartier.
Rien de tout cela n’est illégal. L'État a confié de nombreux pouvoirs aux maires sans les garde-fous suffisants : il concentre l’exécutif, la préparation des dossiers, l’agenda, l’accès à l’information.
La “prime à la majorité” et ses effets
Tout commence par le mode de scrutin municipal : la “prime à la majorité”. Ce système attribue automatiquement la moitié des sièges à la liste arrivée en tête, l’autre moitié étant répartie à la proportionnelle. Ainsi, avec 57 % des suffrages exprimés, la majorité municipale à Sèvres occupe 29 sièges sur 35 soit 82 % des élus. Comment serait dirigé un pays où un président aurait 82 % de l’Assemblée ? En 2014, la prime était plus frappante encore : la liste SÈVRES A VENIR menée par Grégoire de La Roncière n’avait gagné que de 2 voix devant celle de Laurence Roux-Fouillet (POUR SEVRES, ENSEMBLE), mais elle comptait 25 élus contre 6 !
Ce système a une finalité : garantir qu’une ville puisse être gouvernée. Mais s’il est utilisé sans transparence, sans débat et sans rendre de comptes, il peut conduire à une gouvernance extrêmement verticale.
Des conseils municipaux réduits à l’enregistrement
Les séances du Conseil municipal deviennent alors de simples chambres d’enregistrement. La majorité présente les délibérations qu’elle seule a choisi de mettre à l’ordre du jour. Le maire donne la parole aux groupes minoritaires pour qu’ils puissent faire part de leurs questions et observations. Un conseiller municipal de la majorité leur répond. Si le conseiller minoritaire tente de rebondir sur cette réponse et ouvrir le débat, le plus souvent le maire lui retire la parole. Puis le maire met au vote. La délibération est adoptée. Les 6 voix de l’opposition ne peuvent jamais rien empêcher.
Depuis mon entrée en fonction en juillet 2020, pas une seule fois je n’ai vu un(e) élu(e) de la majorité critiquer ou seulement émettre des réserves sur une délibération et à fortiori voter contre !
Ce phénomène n’est pas propre à Sèvres : beaucoup des maires n’apprécient pas les votes dissidents. Les dossiers sont donc arbitrés en interne avant la séance. Mais même en interne les oppositions sont rares. Le Maire peut retirer à tout moment les délégations d’un adjoint ou d’un conseiller municipal, sans justification. Beaucoup d’élus, attachés à leurs responsabilités — et à leurs indemnités — ne prennent pas le risque de s’opposer.
Les questions au Maire, un outil vidé de son sens
Même les règles censées équilibrer le débat peuvent se retourner contre lui. En fin de Conseil, les élus minoritaires lisent les questions qu’ils ont adressées au Maire quelques jours auparavant. C’est théoriquement le moment où l’on peut aborder des sujets autres que ceux à l’ordre du jour.
Mais les réponses, rédigées par les services et lues par un adjoint, tombent comme un verdict : pas de droit de réplique. Elles sont alors l'occasion pour la majorité municipales de mettre en valeur son action ou égratigner le groupe minoritaire qu’à répondre au fond. Et si, dans notre question, une approximation s’est glissée ou une information nous a échappé, la réplique est cinglante. De quoi vous décourager de poser la moindre question !
Notons enfin qu’au début de notre mandat (3 juin 2020), nous avons demandé que les séances du conseil municipal puissent être enregistrées afin d’intéresser nos concitoyens à l’action municipale. Cela était d’autant plus nécessaire que la pandémie limitait le nombre de personnes pouvant y assister physiquement. Le maire nous a répondu que c’était couteux et qu’il y avait des sujets plus importants.
Quand l’opposition n’a qu’un seul élu
Revenons aux résultats de 2020. Avec 9,9 %, notre liste n’a obtenu qu’un seul siège. Les conséquences sont lourdes :
tribune réduite à 577 caractères : 6 lignes
une seule question écrite possible par Conseil municipal
impossibilité de siéger dans les deux commissions préparatoires, car le règlement interdit à un même élu de participer aux deux
absence dans nombre d’organes de réflexion ou de décision
Un combat inégal
La démocratie locale souffre d’une inégalité profonde de moyens entre la majorité municipale et les groupes minoritaires : la majorité dispose de toutes les ressources de l’appareil municipal, financières, humaines, logistiques. Sauf à être soutenu par des partis politiques, ce qui n’est pas notre cas- les groupes minoritaires n’ont de ressource que leur temps libre et leur volonté.
1. Dans la communication
Le mensuel local Le Sévrien, dont le maire est directeur de la publication, sert autant à informer qu’à promouvoir l’action municipale. Les groupes minoritaires y sont quasiment invisibilisés, quelques lignes sur une page perdue en fin de magazine au milieu des publicités.
Sur les réseaux sociaux, leurs positions ne sont jamais relayées. Le règlement intérieur prévoyait que les tribunes libres publiées dans Le Sévrien soient diffusées chaque mois sur la page Facebook officielle. Sauf erreur, cela a cessé en février 2022. Nous ne le regrettons pas pour autant. Sous l’intitulé “Tribune libre” (au singulier), c’est le texte de la majorité qui apparaissait en premier. Il fallait être perspicace pour comprendre qu’il y en avait d’autres et trouver la nôtre en toute fin d’article !
Les tribunes libres, sont d’ailleurs un autre exemple de l’avantage injuste donné à la majorité municipale. Alors que nous découvrons la tribune de la majorité, comme tous nos concitoyens, à la parution du magazine, rien ne les empêche de consulter la notre avant de rendre la leur. Il n’est donc pas surprenant que certaines tribunes de la majorité semblent répondre à celle d’un groupe minoritaire. Ce fût le cas encore récemment, dans le Sévrien de septembre 2025, où nous regrettions l’absence d’une politique ambitieuse pour la jeunesse en été ; la majorité a répondu chiffres à l’appui, comme si elle réagissait directement à notre texte.
Notons à ce sujet que des maires de communes voisines ont décidé, depuis le 1er septembre, de ne plus publier leur tribune pour respecter la neutralité politique en période de campagne municipale. Un bon exemple démocratique à suivre.
Il y a aussi l’affichage et les dépliants distribués dans les boîtes aux lettres. Depuis septembre 2024, sans doute inquiet de voir la contestation monter contre son projet pharaonique de centre-ville, le maire multiplie la distribution de soi-disant lettres d’information sur le centre-ville — qui ne servent qu’à promouvoir un projet controversé déjà décidé. En période pré-électorale, ces lettres sont devenues un excellent moyen de mettre en avant son action… aux frais des contribuables.
L’opposition n’a rien de tout ça, particulièrement la nôtre, sans étiquette, qui n’est soutenue et financée dans ses actions par aucun parti politique.
2. Dans l’accès à l’information publique
En théorie, l’opposition dispose des mêmes droits d’accès que la majorité municipale. En pratique, tout devient un parcours du combattant.
Nous avons dû saisir la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) pour obtenir les études du projet de centre-ville après les avoir réclamées pendant plus d’un an !
Les vidéos de présentation faites en commissions ne nous sont pas distribuées. Il faut les réclamer souvent à plusieurs reprises pour espérer les recevoir.
Les procès-verbaux des séances du conseil municipal sont des pdf le plus souvent inexploitables. Les recherches textuelles n’aboutissent pas.
Le moteur de recherche du site municipal est inefficace. Nous mettons au défi qui que ce soit de retrouver rapidement les éléments d’une délibération votée sur un sujet précis !
Tout semble fait pour ralentir notre travail — qui reste bénévole. L'indemnité mensuelle de 49,42 € que reçoivent les conseillers minoritaires ne couvre évidemment ni le temps consacré ni les dépenses engagées. Dans le même temps la majorité municipale, elle, peut s’appuyer sur une structure de 300 personnes pour promouvoir son action et combattre notre idées et propositions.
Un exemple parlant : notre application de suivi des files d’attente
En mars 2020, pendant le confinement, nous avons financé et développé une application citoyenne permettant aux Sévrien(ne)s de connaître les temps d’attente devant les commerces.
Dans un premier temps nous avons demandé à la mairie de nous transmettre la liste — publique — des commerces sévriens pour ne pas avoir à les saisir manuellement dans l’application. Le Maire a mis deux mois à nous répondre avec un refus sous prétexte de confidentialité. Dans l’intervalle, il a fait adapter et promouvoir une application d’une commune voisine ; il a financé l’impression de tracts, et demandé aux commerçants de remplacer nos QRcodes par les siens, prétendant que notre initiative était “politique”.
Le Sévrien a, tristement, tû notre initiative alors même que la presse régionale et nationale la saluait.
Nous refusons d’enfermer la vie municipale dans une logique de confrontation permanente. Ce que nous défendons, c’est une gouvernance qui reconnaît la pluralité comme une richesse. Chacun doit pouvoir contribuer à sa mesure, dans le respect mutuel. À nos yeux, la démocratie locale n’est pas un combat de positions, mais un projet collectif.
Les promesses oubliées
En 2014, le maire sortant déclarait vouloir se limiter à deux mandats “par respect pour la démocratie”. En 2025, rien n’indique qu’il tiendra cet engagement. C’était pourtant une bonne idée. Cette mesure existe pour les présidents de la République alors qu’il y a beaucoup plus de contre-pouvoirs au niveau national. Elle devrait s’appliquer aussi et plus encore au niveau municipal.
En 2020, son programme municipal comportait 130 propositions. Parmi les premières annoncées figuraient des mesures en faveur de la participation citoyenne : conseils thématiques multipartites, comptes-rendus annuels, forums d’échanges. Aucune n’a vu le jour.
Dans son discours d’investiture en 2020, il promettait aussi d’être “le maire de tous les Sévriens”. Mais sa gouvernance verticale, l’usage constant de l’appareil municipal pour convaincre plutôt que consulter, nous livrent une autre histoire.
Il ne s’agit pas ici de juger des intentions, mais de constater les limites d’une méthode. Faire vivre la démocratie demande de l’engagement, du temps et du travail : permettre le débat en conseil municipal, prendre en compte et évaluer les propositions des groupes minoritaires, faciliter l’accès aux documents administratifs publics, organiser la transparence plutôt que de laisser s’installer l’opacité, rendre des comptes, favoriser la participation citoyenne…
Pourquoi changer de gouvernance ?

La majorité municipale titre sa tribune ce mois-ci « Voter c’est faire vivre la démocratie ». Oui, il faut voter. Mais quand 60 % des Sévriens s’abstiennent, c’est justement parce qu’ils ne croient plus que leur vote a un impact.
Nous le savons : beaucoup de Sévriens expriment un sentiment d’éloignement vis-à-vis du pouvoir politique. Consultations sans suite, décisions annoncées sans explications claires… Ce n’est pas de l’indifférence, c’est de la lassitude. Et cette distance nourrit la défiance. C’est ce lien qu’il nous faut retisser — par la transparence, la pédagogie et la présence sur le terrain.
La démocratie ne se limite pas au vote tous les six ans. Elle se nourrit du débat, de la transparence, et du respect des contre-pouvoirs. À Sèvres, ceux-ci sont marginalisés. Ce n’est pas seulement un enjeu politique : c’est un enjeu de confiance, de cohésion sociale, et de vitalité collective.
Partager le pouvoir, ce n’est pas le perdre. C’est faire remonter les bonnes idées, renforcer la légitimité des décisions, et transformer la participation en richesse commune.
Nos propositions
Nous réaffirmons les propositions que nous avions faites pendant notre courte campagne en 2020 et qui sont restées totalement d’actualité.
Redynamiser les conseils de quartier, avec plus de moyens et publication systématique des comptes-rendus.
Créer des commissions mixtes (citoyens, élus, services, experts) sur les grands enjeux : climat, urbanisme, jeunesse, vie associative.
Faciliter l’accès aux informations municipales : études, budgets, marchés publics.
Assurer la transparence des contributions issues des concertations et leur suivi.
Revoir le règlement intérieur pour permettre de vrais débats et rééquilibrer les droits d’expression.
Encourager les initiatives citoyennes tout au long de l’année, pas seulement par un budget participatif symbolique.
Redonner confiance aux Sévriens
Nous voulons une mairie qui écoute avant de décider, qui débat avant d’agir, qui rend des comptes après. Une mairie qui considère les Sévriens comme des partenaires, et non comme des spectateurs. C’est cela, une démocratie locale vivante. C’est cela, une ville plus juste, plus apaisée, plus confiante.







